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Marketing territorial et football: une affaire qui roule?
A l'occasion de l'International Place Branding Event de Liverpool et d'une Coupe du monde de football à rebondissements, Noémie Condomines livre ses impressions sur les liens entre marketing territorial et football...
Que vous supportiez fièrement votre équipe que vous vous demandiez toujours comment on peut trouver un intérêt devant un groupe de sportifs courant après un ballon, la Coupe du monde de football est là pour nous rappeler que nous avons tous une opinion sur les dérives de l’industrie de ce sport, érigé en véritable business au fil des années.
Amatrice occasionnelle de football et évoluant dans le développement économique, j’ai eu la chance d’assister à l’International Place Branding Conference qui se tenait fin mai à Liverpool. En déambulant dans les rues de la cité portuaire anglaise, connue pour ses efforts en matière de régénération urbaine au début des années 2000, et pour sa légendaire équipe du Liverpool FC, j’ai pu remarquer quelques analogies entre les pratiques de marketing territorial et l’industrie du football que j'ai voulu partager.
Un travail de groupe
On peut difficilement faire plus évident comme première observation... Les intervenants de la conférence l’ont pourtant tous assuré : la coopération entre services et/ou entre acteurs du territoire est essentielle à la bonne réussite d’une démarche de marketing territorial.
Dans sa présentation intitulée "Comment vendre le Pôle Nord", le directeur de TravelCo Graeme Richardson reconnaissait que la coopération entre trois pays différents de Scandinavie avait été nécessaire pour promouvoir efficacement la région de Laponie, s’étalant de la Suède à la Finlande.
Même discours du côté de l'Espagne: la démarche Barcelona Global n’aurait certainement pas rencontré les mêmes succès sans une approche transversale de promotion de la métropole auprès des investisseurs étrangers, admet Mateu Hernandez Maluquer, directeur du programme barcelonais.
De même qu’une équipe de football réussit quand elle sait gérer les individualités de ses membres, les démarches de promotion territoriale connaissent le succès quand des services ou des industries se rassemblent et mutualisent leurs compétences au sein d’un projet collectif. Vincent Gollain, dans Réussir sa démarche de marketing territorial (1) , ou plus récemment Albine Villeger, dans le billet communicant du numéro de Brief de juin (2), ne disaient pas autre chose que cela.
« Laissez-les parler à votre place » : le pouvoir du bouche-à-oreille
Comme l’a remarqué Gary Warnaby, professeur à la Manchester Metropolitan University, dans sa présentation intitulée « La marque n’est pas le territoire », le territoire n’est défini par aucune carte mais par les gens qui y résident. Un propos particulièrement vrai quand il s’agit du football. Portant une attention pour le moins lointaine à ce sport, je suis pourtant témoin au quotidien du support sans faille de quelques-uns de mes proches, grands fans du Liverpool FC (l’histoire ne dira pas s’ils ont ou non été à l’origine de cet article). Le soutien inconditionnel qu’ils portent à leur équipe en dépit des défaites ou des dérives de leur club est à mes yeux un bel exemple d’engagement.
De même, les intervenants de l’International Place Branding Conference nous ont rappelé à plusieurs reprises comment les individus, qu’ils habitent ou non sur le territoire en question, sont souvent à eux seuls le meilleur service de relations publiques qu’un territoire puisse imaginer. Les réseaux d’ambassadeurs fleurissant aux quatre coins de la planète en sont un bel exemple. L'un des précurseurs n’est autre que le réseau OnlyLyon, rassemblant aujourd’hui plus de 60 000 membres.
Un autre exemple d’engagement d’ambassadeurs de territoire a été donné au cours de la conférence par Tracy Halliwell, en charge du développement, tourisme et grands événements à l’agence London & Partners, responsable du développement marketing de la ville de Londres. Sa présentation a notamment illustré la réaction de l’agence après l’annonce du Brexit : au travers de la campagne #LondonIsOpen sur les réseaux sociaux, résidents et entreprises été invitées à exprimer leur attachement à la ville et à créer leurs propres contenus sur le multiculturalisme de la capitale britannique. Tracy Halliwell le disait elle-même : « Le marketing territorial consiste à dire la bonne histoire au bon moment. Mais c’est encore mieux si les gens peuvent la dire à votre place ».
Le marketing territorial consiste à dire la bonne histoire au bon moment. Mais c’est encore mieux si les gens peuvent la dire à votre place.
Tracy Halliwell London & Partners
Un tournant à marche forcée ?
Les fans de football vous le diront : la période dorée du sport, où les joueurs restaient loyaux à leur équipe pendant des années et les transferts bien loin des millions de dollars d’aujourd’hui est bel et bien révolue.
De même, les présentations de la journée et réflexions reflétaient combien les pressions économiques et sociales impactaient les territoires : tandis que les villes se livrent à une compétition de plus en plus féroce pour attirer capitaux et main d’œuvre qualifiée tout en se conformant aux attentes de leurs résidents, les réseaux sociaux et les influenceurs créent un désir d’authentique toujours plus prégnant chez les touristes, avides d’expériences pour vivre « comme un local ». Pour combien de temps encore les territoires pourront tenter de séduire toutes ces populations, et à quel prix pour la qualité de vie des résidents ?
Le directeur d’Amsterdam Marketing Frans van der Avert a partagé le cas du logo « I Amsterdam » était devenu au fil des années le symbole des dérives du tourisme sur la vie locale : le slogan célébré à sa création a désormais un goût bien amer pour les résidents (au nombre de 800 000), fatigués des 17 millions de touristes annuels.
Jongler entre la quête d’authenticité et d’interaction des touristes et respect du cadre de vie des locaux semble être le nouveau challenge des villes dans les futures années. Derrières les logos des démarches de marketing territorial, les territoires sauront-ils relever le défi qui les attendent ?
Un grand merci à Julian Stubbs, organisateur de l’événement, et au Place Brand Observer pour m’avoir permis de participer à cette conférence et de partager mes réflexions !
Noémie Condomines
Cet article est adapté de sa version originale à retrouver en anglais sue le site du Place Brand Observer.
(1) Gollain, Vincent, Réussir sa démarche de marketing territorial : méthodes, techniques et bonnes pratiques, éd. Territorial, 2017, 244p.
(2) "Marketing territorial vs. communication publique?" Le billet de ..., Brief Mag, n°58, juin 2018