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Rapport sur les aides aux entreprises : la réponse du CNER
Le rapport de Jean-Philippe Demaël, Philippe Jurgensen et Jean-Jack Queyranne, sur les aides aux entreprises a été remis au ministre du Redressement productif et rendu public mardi 18 juin.
Le CNER se réjouit de voir ce travail reconnaître l’utilité des agences de développement économique, faisant écho à la publication récente des organisations patronales et des syndicats de salariés (MEDEF, CGPME, UPA, CFDT, CFE-CGC, CFTC), intitulée « Réinventer la croissance », qualifiant les agences de développement d’« instances de concertation » et de « dispositifs originaux ».
Le CNER se félicite de la reprise de certaines des propositions qu’il a formulées récemment :
- le rapprochement des agences régionales de développement économique et des agences régionales de l’innovation : un mouvement déjà largement initié dans certaines régions (Aquitaine, Bretagne, Pays de la Loire) ;
- le développement de synergies avec les directions régionales de BPI France. Le CNER et BPI France ont là encore devancé les rapporteurs puisqu’un dialogue a été entamé en ce sens depuis plusieurs semaines.
En revanche, le CNER tient à souligner l’erreur d’appréciation des rapporteurs concernant l’organisation territoriale des agences de développement économique. La proposition émise estime nécessaire de « rationaliser la carte des 110 agences économiques des collectivités territoriales pour n’en garder qu’une par région », estimant à 70 millions d’euros les économies budgétaires potentielles.
Dans le contexte économique actuel, supprimer les seules structures partenariales de proximité qui préparent la sortie de crise au côté des entreprises, au profit du seul échelon régional, apparaît donc comme une proposition pour le moins contre-intuitive. En effet, d’un échelon administratif à l’autre, elles exercent des métiers différents avec des compétences également différentes. Loin d’être redondantes, agences régionales et agences locales sont au contraire complémentaires. Supprimer la moitié des agences de développement économique de proximité reviendrait ainsi à supprimer les missions qu’elles remplissent et les compétences dont elles disposent, que ne remplissent pas et dont ne disposent pas les agences régionales actuellement.
Par conséquent, le résultat de cette suppression serait non pas une économie mais bel et bien une perte de 70 millions d’euros – sans compter la perte significative de compétences, sur des métiers à fort effet d’apprentissage, et d’accompagnement au bénéfice des entreprises et des territoires.
Par ailleurs, les propositions du rapport concernant les agences de développement économique souffrent d’une grave incohérence. Tout en proposant de supprimer les agences de développement économique de proximité, le rapport reconnaît la nécessité pour les agences régionales d’avoir des antennes ou relais de proximité (voir extrait du rapport ci-contre). Un paradoxe qui revient donc, in fine, à défendre l’organisation actuelle du réseau des agences de développement économique.
En effet, les agences régionales de développement économique ont développé depuis longtemps des articulations avec les agences de proximité. Ainsi, l’agence régionale d’Aquitaine s’appuie sur un bureau à Pau et des agences en Dordogne et en Lot-et-Garonne ; l’agence régionale de Midi-Pyrénées sur des agences en Aveyron, Tarn, Tarn et Garonne, Ariège et Hautes-Pyrénées.
Ces articulations, qui permettent la collaboration entre échelons administratifs plutôt que leur affrontement, reposent sur le constat évident qu’une agence régionale ne peut elle-même proposer un accompagnement et des solutions sur-mesure aux entreprises et aux territoires au plus près du terrain.
Dans ses positions officielles sur la décentralisation, le CNER reconnaît la nécessité d’une région stratège mais affirme tout autant l’impératif de ne pas passer toutes les régions sous la même toise en raison de leurs spécificités économiques nécessitant une organisation propre. Si de nombreux intellectuels (Olivier Pastré, Nicolas Bouzou, Jean-Louis Levet, etc.) proclament aujourd’hui l’urgence de décentraliser la politique économique, l’écueil serait de verser dans un véritable jacobinisme régional.
Or l’organisation actuelle des agences de développement économique (voir carte de France du réseau CNER ci-jointe) est justement la démonstration de cette adaptation aux spécificités de chaque territoire. Contrairement à ce que laisse entendre le rapport, manifestant une malheureuse méconnaissance du réseau du CNER, il n’y a pas de superposition systématique des agences à chaque échelon administratif. L’échelon de proximité est parfois l’agglomération (Nord Pas de Calais), parfois le département (Aquitaine, Midi-Pyrénées, etc.), en fonction notamment de la superficie des territoires concernés.
Bien loin d’un trop grand nombre d’agences qui exerceraient le même métier, la tendance actuelle montrerait plutôt qu’il n’y en a pas assez. Le CNER constate aujourd’hui une forte tendance des petites et moyennes intercommunalités d’un même département à se rassembler, pour mutualiser leur force au sein d’une agence de développement commune ou de l’agence départementale existante. Cette évolution forte démontre ainsi que le seul échelon régional ne suffit pas.
Enfin, le CNER tient à mettre le montant avancé de 70 millions d’euros, en regard des masses en jeu dans le domaine de l’action économique territoriale : les interventions des collectivités en la matière s’élèvent à 6,5 milliards d’euros quand celles de l’État atteignent 110 milliards d’euros – le rapport n’ayant toutefois examiné qu’un périmètre de 46,5 milliards d’euros. Si des efforts doivent être réalisés par tous, à l’instar de ceux mis en œuvre par les agences de développement économique, il est nécessaire d’affronter les vrais enjeux et non d’en détourner le regard.
À l’aune de ces éléments, le CNER considère que les propositions faites par le rapport remis au ministre du redressement productif sont fondées sur des postulats erronés et se révèlent, pour cette raison, peu pertinentes et contre-productives pour l’économie de notre pays.
Aujourd’hui, la pire des solutions serait de vouloir imposer un modèle unique et centralisé au niveau régional pour l’action économique alors que l’économie de chaque territoire ne cesse d’être de plus en plus spécifique. Le CNER souhaite que le débat sur l’action économique des collectivités ne soit pas confisqué par des rapports de forces entre échelons de collectivité, qui sous-tendent clairement les propositions faites dans le rapport, et que les agences de développement économique n’en soient l’otage.
Le CNER rappelle enfin qu’en matière économique, seul l’intérêt général prime. Or cet intérêt général ne réside pas dans les combats entre niveaux de collectivités mais bien davantage dans ce qui les apaise, à l’instar du mode de fonctionnement partenarial des agences de développement économique. À ce jour, les agences de développement économique sont les seules structures rassemblant et articulant des collectivités de différents échelons ainsi que tous les acteurs économiques d’un même territoire grâce à leur mode de fonctionnement partenarial unique et particulièrement moderne au service d’un seul but : le développement de l’activité et de l’emploi.