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La Cour des comptes interpelle l'État sur sa stratégie de soutien à l'investissement local

Après examen des concours financiers de l’État en soutien à l’investissement public local de 2016 à 2019, la Cour formule dans un référé des observations et recommandations pour un meilleur soutien aux collectivités territoriales.

La Cour des comptes interpelle l'État sur sa stratégie de soutien à l'investissement local


Les montants consacrés à l’investissement des collectivités territoriales, qui représentent 9 milliards d’euros dans le budget 2020 de l’Etat, ont régulièrement fait l’objet de notes et de recommandations par la Cour des Comptes.

Dans ce référé publié en mai 2021, la Cour a centré son analyse sur quatre des principaux concours de l’État en soutien à l’investissement public local :

  • la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).
  • la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR).
  • la dotation politique de la ville (DPV).
  • le Fonds de compensation de la TVA (FCTVA).

Les trois premières sont des subventions versées par l’Etat de façon discrétionnaire pour financer des dépenses liées à des projets précis.

Le FCTVA quant à lui est un prélèvement sur les recettes de l’Etat distribué aux collectivités qui compense la charge de TVA que ces dernières supportent sur leurs dépenses réelles d’investissement et qu'elles ne peuvent pas récupérer par la voie fiscale.

Un meilleur ciblage géographique des subventions

Dans un premier temps, la Cour émet des réserves sur la répartition et la territorialisation de l’attribution des subventions.

Elle souligne que, malgré le fait que certaines dotations soient destinées dans leurs intitulés et leurs présentations à la ruralité comme la DETR et la DSIL, elles bénéficient souvent en réalité aux grandes aires urbaines. A titre d’exemple, plus du quart des projets communaux subventionnés (et 40 % des montants associés) par la DETR  en 2018 concernait des communes urbaines. 

La Cour fait aussi remarquer que les campagnes qui en bénéficient sont souvent des zones périurbaines ou littorales, qui ne sont pas les territoires les plus économiquement défavorisés.

Une stratégie plus lisible, cohérente et concertée 

L’usage de ces différentes dotations/subventions répond à des priorités nationales sectorielles, définies dans les documents pratiques qui les accompagnent. En 2019, La DETR et la DSIL répondaient respectivement à 7 et 9 priorités sectorielles.

Néanmoins, la Cour déplore le caractère changeant et pas assez ciblé de celles-ci, ainsi que l’absence d’articulation avec les priorités des collectivités locales, ce qui dénote selon elle une absence de stratégie de long terme construite, cohérente et partagée entre les acteurs de l’investissement local.

Les priorités sectorielles sont fixées de façon annuelle. Ce rythme ne correspond pas à celui des politiques d’investissement ou des mandats locaux, ce qui complique cette mise en cohérence.

La Cour recommande ainsi de fusionner a DETR et la DSIL en un seul concours déconcentré, dont les priorités sectorielles et les règles d’emploi seraient fixées pour une durée compatible avec le temps long inhérent à une démarche d’investissement de projet (telle que la durée d’un contrat de plan État-région ou la durée d’une mandature locale).

Des systèmes de contrôle plus simple et un pilotage plus rigoureux

Elle déplore également la complexité et l’absence de contrôle interne efficace de certaines versations, en particulier celles relatives à la FCTVA, qui représente les deux tiers des concours de l’Etat à l’investissement local. Elle préconise ainsi d’établir un référentiel des risques comptables et financiers propres au FCTVA, et d’élaborer le dispositif de contrôle interne destiné à les prévenir. 

 

De manière plus générale, un meilleur pilotage des enveloppes budgétaires est nécessaire à la stabilité et la soutenabilité des dispositifs, dont la Cour craint qu’ils patissent de la formation d’une “bulle” d’autorisations d’engagement (AE) non couvertes par les crédits de paiement (CP).

En effet, les AE ont augmenté de 82% sur les cinq dernières années, là ou les CP n’ont augmenté que de 48% sur la même période, et la tendance pourrait même s'accélérer dans le contexte du plan de relance qui pourrait accélérer le rythme de réalisation des projets.

Mise en place de systèmes de suivi d’objectifs et d’évaluation

Enfin, la Cour des Comptes alerte sur l’absence d’évaluation et d’indicateurs de performance des différents concours de l’Etat.

Elle estime qu’ils ne participent pas d’une politique publique claire et identifiée et que rien ne permet d’affirmer qu’ils sont un facteur déterminant de l’investissement local.

Cela est principalement dû à l’absence d’objectifs assignés et d’indicateurs de performance globaux, déclinés selon les types de collectivités et les priorités sectorielles visées.

En outre, l’Etat demande aux préfets d'être attentifs à l’effet socio-économique des projets soutenus par l’État mais ne leur fournit pas les outils nécessaires à la construction et à la mise en œuvre de démarches d’évaluation.

La Cour préconise ainsi d’intégrer l’ensemble des concours dans une démarche de mesure de la cohérence de la stratégie d’aide de l’État aux acteurs locaux, d’évaluation de l’impact des projets aidés sur le développement local,  ainsi que d’évaluation socioéconomique des investissements locaux les plus importants auxquels l’État contribue.

 

 

Rayan Benamane.